Mid-Term Break

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Mid-Term Break de Seamus Heaney

Le jeu de mots du titre sur le mot break (‘time off school’) fait référence de manière plus poignante à une tragédie à laquelle Heaney a été exposé à l’âge de quatorze ans et qui a conduit à un moment de rupture qui affectera toute sa vie.

De changements particuliers dans sa routine quotidienne, en passant par les étapes de la réalité naissante, jusqu’à l’impact visuel déchirant d’un cadavre déposé dans son cercueil, Heaney en vient à comprendre l’irréversibilité de la mort de son jeune frère Christopher (suite à un accident de voiture en février 1953). Conduit chez lui depuis l’école, il répond impassiblement aux réactions de la famille et des voisins avant de se retrouver face à face avec son frère décédé et de trouver une forme de mots qui exprime l’amère ironie.

L’écolier est mis à l’écart dans l’infirmerie du collège ; son esprit imperturbable perd le temps Counting bells knelling classes to a close (le choix des mots donne au lecteur un sentiment de pressentiment que le jeune n’a pas encore saisi pour lui-même).

Pour autant que les « autres » qui viennent le chercher aient pu paraître hors du commun, une fois rentré chez lui, il tombe nez à nez avec son père en larmes, chose inédite chez un homme qui avait toujours pris les enterrements à bras le corps ; puis il est gêné par les protocoles de condoléances des voisins : un coup dur… serrez-moi la main… « désolé pour ma peine ». Seul le bébé dans son landau, insensible aux événements, semble heureux de le voir pour lui-même. Il est conscient des remarques chuchotées au sein de l’assemblée sur son statut dans la famille (l’aîné/le lointain à l’école). Il enregistre les réactions de sa mère, accablée par le chagrin (crachats de colère, soupirs sans larmes).

Son jeune esprit a enregistré l’heure précise à laquelle le corps de Christopher a été ramené pour reposer dans la maison familiale, par quel moyen (ambulance) et dans quel état : le cadavre calé et pansé par les infirmières.

Le lendemain, le garçon se tenait devant le cercueil où, symbolisant la fragilité de la beauté comme de l’innocence, des perce-neige/ Et des bougies apaisaient le chevet du lit. Il note la pâleur et l’ecchymose du coquelicot sur un visage aussi endormi que mort, par ailleurs épargné de vilaines meurtrissures : Pas de cicatrices voyantes, le pare-chocs l’a assommé.

Face à un être si cher, si jeune et si petit, le garçon est soudain frappé par l’énormité de la chose et trouve le seul moyen qu’il connaisse pour exprimer sa douleur : une somme mathématique d’écolier, émotionnellement puissante : Une boîte de 4 pieds, un pied pour chaque année.

Le poème réussit de manière très émouvante à mailler différents thèmes : le sentiment de finalité qui ne frappe le locuteur que lentement ; le silence et la solennité du processus pré-funéraire catholique irlandais lui-même ; comment le deuil affecte les gens différemment.

  • break : (double intention) pause scolaire ; moment de rupture ;
  • infirmerie : salle réservée aux élèves malades ;
  • glas : sons de cloche solennels annonçant des funérailles ; mettre fin à une situation ;
  • dans son élan : a fait face à (quelque chose de désagréable) de manière calme ;
  • coup dur : choc soudain, revers : euphémismes de sympathie ;
  • roucoulait : murmurait doucement comme un pigeon ;
  • loin : se référant au temps passé non pas à la maison mais dans son internat ;
  • tousser : expulser des sons aigus et soudains exprimant le chagrin ;
  • cadavre : corps mort;
  • stanched : variante de staunched ; nettoyé des taches de sang;
  • snowdrop : délicate fleur blanche de fin d’hiver, symbole d’innocence;
  • soothe : apporter un doux calme à;
  • poppy bruise : blessure d’impact décolorée en forme de fleur de pavot ; la marque de la blessure ressemble à l’emblème britannique du Souvenir de ceux qui sont morts violemment dans les conflits militaires après 1914 ;
  • temple : zone du visage entre le front et l’oreille ;
  • berceau : lit de bébé ;
  • pied : unité britannique traditionnelle de mesure linéaire (environ. 31 cm.)
  • Les titres de Heeney jouent souvent sur des mots ou des expressions pour renforcer le thème ou favoriser la réflexion ; half-term est une pause formelle dans le calendrier scolaire : cet usage est à la fois une interruption de l’apprentissage et une rupture plus poignante des liens antérieurs.
  • Deuxième poème publié de Heeney (écrit au début de 1963 et publié pour la première fois dans le Kilkenny Magazine) ; le poète révèle qu’il a été composé  » un soir (dans un appartement d’étudiant qu’il partageait avec 2 biochimistes) après une journée d’enseignement à l’école St Thomas, assis dans un fauteuil en attendant qu’un de ces types produise le repas du soir  » (DOD67) ;
  • MP fait référence aux « premières intimations de la mortalité et à l’incompréhension d’un enfant confronté à l’injustice et au chagrin ; la familiarité et la prévisibilité de la maison sont immédiatement violées » (67) ; on utilise des phrases chocs délibérément lancées pour ne pas éveiller un chagrin actif chez le garçon ; ‘Sorry for yer trouble’ est une expression commune en Ulster (ibid35);
  • DOD (p22) indique que l’événement a été déterminant dans la décision parentale de déménager de Mossbawn à The Wood près de Bellaghy ;
  • Le poème est construit en 7 tercets de 10 syllabes plus un seul vers à impact maximal;
  • il n’y a pas de schéma de rimes formel ; celui-ci est remplacé par une série d’effets assonants : cloches qui sonnent ; près/ conduit/ maison/ souffle ; pleurer/ chevaucher ; + toussé/ sorti;
  • allitération : classes/ près/ horloge ; roucoulée/ bercée/ venue ; forte présence de sibilants : en rapport avec la solennité des actes : chuchotements/ étrangers/ larmes/ soupirs ; ou décence : cadavre étouffé ; ou repos paisible : perce-neige/ bougies/ apaisé/ chevet;
  • le ton et le tempo sont tous deux très mesurés ; il y a peu d’images ;
  • Heaney est un artisan méticuleux qui utilise des combinaisons de voyelles et de consonnes pour former un poème qui est quelque chose à écouter;
  • la musique du poème : quatorze brins assonants sont tissés dans le texte ; Heaney les place groupés dans des zones spécifiques pour créer des rimes internes , ou les reprend à intervalles ou les enfile dans le texte.

  • Les effets allitératifs permettent à des pulsations ou des battements ou des sifflements ou des frictions de consonnes de modifier les mélodies assonantes :
  • la première phrase, par exemple, tisse des variantes sibilantes , un groupe de plosives (bilabiales ,alvéolaires , vélaires ) aux côtés de nasales et ;
  • il vaut la peine de taquiner les groupes de sons par soi-même pour admirer l’ingénierie sonore du poète :
  • Les consonnes (avec leurs symboles phonétiques) peuvent être classées selon l’endroit où elles se trouvent dans la bouche
  • Sons de l’avant de la bouche plosive bi-labiale aphone plosive bi-labiale sonore ; fricative labio-dentaire aphone fricative labio-dentaire sonore ; nasale bi-labiale ; continuateur interlabial
  • Sons derrière les dents plosive alvéolaire aphone plosive alvéolaire voisée ; fricative alvéolaire aphone comme dans church match ; fricative alvéolaire voisée comme dans judge age ; voiceless dental fricative as as as in thin path ; voiced dental fricative as in this other ; voiceless alveolar fricative voiced alveolar ; continuant alveolar nasal alveolar approximant ; alveolar trill ; dental ‘y’ as as in yet
  • Rear-of-mouth sounds voiceless velar plosive voiced velar plosive ; voiceless post-alveolar fricative as in ship sure, voiced post-alveolar fricative as in pleasure ; palatal nasal as in ring/ ang
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