Abstract
La luxation postérieure de l’articulation du coude est rencontrée plus fréquemment par les chirurgiens orthopédistes en raison de la participation croissante du public aux sports. Toutes les techniques publiées de réduction de l’articulation du coude luxée reposaient soit sur des forces de pression ou de traction directes appliquées aux structures neurovasculaires compromises autour du coude. Cela nécessitait généralement une sédation profonde et parfois une position couchée du patient. Nous avons été les pionniers de cette nouvelle technique sûre et reproductible qui peut être appliquée dans le service d’urgence avec une analgésie minimale et le patient en position couchée.
Mots clés
Dislocation postérieure, coude, urgence
Introduction
L’incidence de la luxation aiguë du coude est de 5,21 par 100 000 années-personnes. Les luxations aiguës du coude représentent 2,9% de toutes les luxations articulaires aiguës. Elles surviennent le plus souvent chez les adolescents lors d’activités sportives et sont réparties également entre les sexes. Les luxations postérieures et postéro-latérales sont les directions de luxation les plus fréquemment rencontrées. Ces blessures peuvent menacer un membre si elles sont associées à une lésion vasculaire. Heureusement, les lésions vasculaires sont rares, leur incidence étant de 0,3 à 1,7 %. Les techniques de réduction du coude publiées reposent sur l’application d’une traction sur le membre affecté ou d’une pression directe sur la fosse antécubitale. La traction augmente les tensions des tissus mous, ce qui peut entraver la réduction, et la traction et la pression directe sur la fosse antécubitale peuvent endommager davantage les structures neurovasculaires antérieures. Certaines techniques publiées nécessitent que le patient soit positionné en décubitus ventral et cela peut ne pas être possible chez le patient polytraumatisé .
Nous présentons une nouvelle technique de réduction qui ne repose pas sur la traction ou la pression directe sur la fosse antécubitale et qui est réalisée avec le patient en décubitus dorsal.
Technique
L’évaluation clinique comprend une évaluation précise du statut neurovasculaire du membre affecté proximal et distal de l’articulation du coude disloqué. En cas d’incertitude sur la présence ou l’absence de pouls périphériques, il faut recourir à l’échographie Doppler. Le diagnostic est confirmé par des radiographies qui peuvent également identifier des fractures concomitantes.
La sédation intraveineuse est préférable. Si elle n’est pas disponible, l’utilisation d’une analgésie à base de morphine (orale ou intraveineuse) est généralement adéquate.
Le patient est allongé sur le dos, le bras affecté étendu et adjacent au torse. L’opérateur se tient du même côté que le coude affecté et fléchit progressivement le coude à 90 degrés. L’opérateur soutient le coude dans cette position et fléchit progressivement l’épaule ipsilatérale à 90 degrés de sorte que la pointe de l’olécrane pointe verticalement vers le haut (figure 1).
Figure 1. Luxation postérieure du coude : Position initiale avec l’épaule et le coude fléchis à 90°C
L’opérateur place les deux mains autour de l’humérus distal de sorte que les doigts reposent sur les aspects antérieurs des crêtes supracondyliennes médiale et latérale de l’humérus distal et que les pouces reposent sur l’aspect postérieur de l’olécrane. Dans cette position, l’opérateur peut corriger tout déplacement médial ou latéral. La trochlée se trouve en avant de l’apophyse coronoïde et le capitelle repose sur le col radial. Dans cette position, la flexion du coude est limitée par la tension du muscle triceps. L’opérateur exerce une légère pression antérieure sur l’olécrane avec ses pouces et exerce simultanément une pression postérieure sur les crêtes supracondyliennes avec ses doigts. Lorsque la trochlée et le capitelle glissent en arrière sur le processus coronoïde et les têtes radiales respectivement, la tension dans le triceps augmente et entraîne une légère extension du coude (figure 2). La trochlée et le capitelle se dégagent facilement de la coronoïde et de la tête radiale et une réduction concentrique est obtenue permettant au coude de tomber en position de flexion (figure 3).
Figure 2. Une pression dirigée vers l’avant appliquée à la face postérieure de l’olécrane entraîne une extension passive du coude, la trochlée glissant sur la coronoïde.
Figure 3. Avec une réduction concentrique du coude, l’articulation est capable de fléchir normalement.
L’opérateur tient le coude réduit et un assistant applique une attelle au-dessus du coude. Des radiographies post-réduction sont réalisées et un examen neurovasculaire complet est effectué. Dans les réductions stables et en l’absence de facteurs de complication, l’attelle peut être jetée dès 1 semaine pour éviter les complications bien établies de l’immobilisation prolongée du coude .
Discussion
Nous avons présenté une nouvelle technique simple pour réduire les coudes disloqués. Notre technique présente plusieurs avantages par rapport aux techniques précédentes publiées . Premièrement, elle est réalisée en décubitus dorsal, ce qui permet de l’utiliser dans le cas de patients souffrant de blessures multiples. Deuxièmement, elle ne nécessite pas de traction ou de pression sur la fosse antécubitale, ce qui pourrait endommager les structures neurovasculaires antérieures compromises. Troisièmement, elle peut être réalisée sans myorelaxant.
Dans notre expérience, notre technique a été couronnée de succès dans des occasions où les techniques impliquant une traction ont échoué dans la salle d’urgence. Les manœuvres de traction standard augmentent la tension dans les structures antérieures et peuvent entraver la réduction. Nous supposons que ces tensions (et donc la résistance à la réduction) sont beaucoup plus faibles avec notre technique car le coude est fléchi et aucune traction n’est appliquée. Nous émettons également l’hypothèse que le tendon brachial peut contribuer à la facilité avec laquelle une réduction est obtenue avec notre technique : bien qu’un tendon brachial intact puisse résister à la traction en ligne dans les techniques traditionnelles, il peut agir comme un patin, faisant levier sur la trochlée dans la fosse lorsque le coude s’étend temporairement pendant la manœuvre de réduction dans notre technique.
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