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Rosaire : Histoire du terme

Q : Quelle est l’origine du terme « Rosaire »?

A : Certaines personnes croient que Saint Dominique est l’initiateur et le promoteur du rosaire, et qu’il avait reçu le rosaire de Notre Dame. En fait, ce sont Dominique de Prusse et Alanus de Rupe qui ont été les véritables pionniers de la prière du rosaire. Cela s’est passé au XVe siècle.

Dominique le Chartreux (Saint Alban, près de Trèves, environ 1410) a promu un chapelet de cinquante Ave Maria et de 50 clauses Vita Christi. Les clauses étaient des références à la vie du Christ (par exemple, la conception par le Saint-Esprit) ajoutées aux Ave.

Alain de Roche (ou Alanus de Rupe, seconde moitié du XVe siècle, dominicain, Douai/France) a établi une confrérie du rosaire (Confrérie du Psautier de la Glorieuse Vierge Marie, vers 1470) qui a contribué à la diffusion du rosaire dans toute l’Europe. Jacob Sprenger en fonda vers 1475 une encore plus célèbre à Cologne. Le chapelet d’Alain se composait de 150 Aves reflétant le Psautier, et était subdivisé en trois groupes de cinquante chacun, suivant les trois mystères fondamentaux du Christ : l’Incarnation (mystères joyeux), la Passion (mystères douloureux) et la Résurrection (mystères glorieux). Alain rejette la version abrégée du rosaire de Dominique (50 Aves), et de même, il rejette le nom « rosaire ». Son nom pour la prière du rosaire était le « Nouveau Psautier de la Vierge », soulignant ainsi que le rosaire avait 150 Ave, et non seulement cinquante, tout comme le Psautier compte 150 Psaumes et non cinquante. Son opposition au nom « rosaire » provient des origines « vaines et mondaines » de « rosarium », « corona » ou « sertum »

Le « rosarium » ou chapelet a en effet des origines pré-chrétiennes. La Rome antique célébrait les « rosalia », une fête de printemps commémorant les morts. Dans la tradition grecque, la rose était la fleur d’Aphrodite. Elle rappelait le sang des dieux. Vénus, l’homologue romaine d’Aphrodite et protectrice de l’amour, est souvent représentée avec une couronne de roses rouges et blanches, ou tenant une rose dans sa main. De même, de l’Antiquité au Moyen Âge, le lieu idéal pour les rencontres amoureuses était les « jardins de roses », c’est-à-dire les jardins protégés par une haie de roses. L’expression « jardin de roses » a une grande variété de significations, allant du libertinage à un usage plus édifiant. Elle est, avec « rosenkrantz » (couronne de roses), surtout connue pour son rôle dans la littérature de romance profane (voir, par exemple, Roman de Éá Rose, début, XIIIe siècle).

Il est bien connu, cependant, que le symbolisme de la rose a une longue histoire dans la tradition chrétienne. La rose a été fréquemment appliquée à Marie, parfois à Jésus lui-même. Cela est vrai pour les textes patristiques (par exemple, Ambroise, Sedulius), les hymnes latins et les séquences (De gaudiis B. Mariae, XVe siècle). Marie est « la roseraie de Dieu » dans les hymnes latines, tandis que Dante la loue comme la « Rose dans laquelle la parole de Dieu s’est faite chair » (Paradis, 23, 73-74). C’est dans le contexte de cette littérature utilisant le symbolisme de la rose que nous devons rechercher l’origine du mot « rosaire », en latin, rosarium. L’évolution et l’usage du mot se sont faits par étapes.

1. « Tisser un chapelet pour la Vierge Marie » (Grégoire de Nazianze, 4 c.). Le mot chaplet a le sens de couronne (corona) (Esser.)

2. « Une chaîne de cinquante Aves » (début l3 c.) Les béguines de Gand priaient trois chaînes de ce type par jour. Les termes utilisés sont « corona » ou « sertum »

3. « Des Aves vues comme des Roses » (légende de la fin du l3 s. en versions latine, catalane et allemande). Selon la légende, les Ave Maria récités par un moine se sont transformés en roses et ou en guirlande de roses dans les mains de Marie (voir le texte en annexe ci-dessous !) Les premières versions latines de cette légende utilisent « corona » (couronne) et « sertum » (couronne) pour guirlande.

4. Dans les versions allemandes de la même légende datant du l2/l3 c, la guirlande de roses des « Aves vues comme des roses » est nommée « Rosenkranze », et a ensuite été retraduite en latin en rosanum, notre rosaire.

5. Jusqu’alors, le terme rosarium était utilisé dans le sens de florilegium, un bouquet de fleurs désignant un recueil d’anecdotes, de textes ou de prières.

6. Désormais, rosarium ou rosaire est utilisé pour caractériser les dons spirituels offerts à la Vierge. Peu à peu, l’expression « psalterium » se confond avec rosarium. Dans le Psalterium B. V. Mariae d’Engelbrest d’Admont (1279-1331), chacune des 150 invocations commence par Ave, rosa. (Deves, Blume).

7 Nous avons précédemment mentionné la controverse entre Alanus et Dominique sur les mots rosaire ou psautier. Certains auteurs des siècles suivants ont utilisé les deux expressions (Adam Walasses, 1571). Les langues latines donnaient la préférence à « serto » ou « capelleto ». La bulle papale de 1478 utilise le terme « rosario ». Le manuel allemand du rosaire de Jacob Sprenger de 1476 utilisait également le mot rosaire.

C’est l’attrait du symbolisme de la rose qui a fait pencher la balance. Une partie de cet attrait réside dans la capacité à combiner et associer des significations profanes et spirituelles. En particulier, c’est l’assimilation de l’Ave Maria (Hail Mary) à la rose (Aves comme Roses), et des 150 roses à la guirlande de roses qui a rendu le terme rosaire très populaire. L’Ave Mary est une rose. Il est composé de cinq phrases, et a donc cinq pétales qui représentent, selon la roseraie de Notre Dame Marie, les lettres MARIA (64-65 ; 190-191).

Annexe : La légende des Aves devenues Roses

Un homme bon, simple et séculier avait coutume de faire tous les jours un chapelet de roses, ou de fleurs, ou de rue, ou de tout ce qu’il pouvait, selon la saison, et de le placer sur la tête d’une image de Notre-Dame. Il le faisait avec beaucoup de plaisir et une pieuse dévotion. La Vierge vit la bonne intention de son cœur et, voulant l’aider à l’approfondir, lui donna le désir de prendre la vie religieuse. C’est ainsi qu’il devint frère laïc dans un cloître. Mais dans le cloître, on lui confia tant de tâches qu’il n’eut plus le temps de faire à Marie son chapelet comme il avait l’habitude de le faire. A cause de cela, il devint insatisfait et était sur le point de quitter l’ordre et de retourner dans le monde, lorsqu’un prêtre plus âgé se rendit compte de sa détresse. Le prêtre lui conseilla sagement de réciter chaque jour cinquante Ave Marias à la place du chapelet et le convainquit que la Reine Marie préférerait cela à tous les chapelets de roses qu’il avait faits. Le frère convers suivit le conseil et continua ainsi pendant quelque temps.

Un jour, il fut envoyé pour une course qui l’obligeait à traverser une forêt qui abritait des voleurs. Dans la forêt, il attacha son cheval à un arbre, s’agenouilla et récita ses cinquante Ave Marias lorsque des voleurs le virent et décidèrent de le dévaliser et de voler son cheval. Mais en s’approchant de lui, ils virent de loin une jeune fille merveilleusement belle qui se tenait près de lui et qui, à chaque instant, prenait dans sa bouche une belle rose et l’ajoutait à un chapelet qu’elle était en train de confectionner. Lorsque le chapelet de roses fut complet, elle le plaça sur sa tête et s’envola vers le ciel. Les brigands, très étonnés, coururent vers le frère pour lui demander qui était la belle jeune fille qu’ils avaient vue près de lui. Le frère laïc répondit : « Je n’avais pas de jeune fille avec moi. Je n’ai fait que réciter cinquante Ave Marias en guise de chapelet pour la reine Marie, comme on me l’a appris. Et c’est tout ce que je sais. » Lorsque les brigands lui racontèrent ce qu’ils avaient vu, le frère laïc, et les brigands aussi, réalisèrent que c’était la très vénérée Mère de Dieu qui, en personne, avait accepté le chapelet de roses que nous avons l’habitude de lui envoyer quotidiennement par l’intermédiaire de notre ange.

Alors le frère se réjouit du plus profond de son cœur, et, à partir de ce jour, fit quotidiennement un chapelet de roses spirituel de cinquante Ave Marias pour la Reine Marie et instruisit d’autres bonnes personnes dans cette pratique. C’est ainsi que le chapelet a été créé et nous est parvenu. Et l’on peut croire que les brigands ont amélioré leur vie en conséquence, parce que la grâce de Dieu leur avait permis de contempler la Mère de la Miséricorde.

(Dominique de Prusse, Wie der Rosenkrantze ist funden, in : B. Winston-Allen, Histoires de la Rose, 1997, 100/101)

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