Lorsque le monde a retenti de la nouvelle de la découverte de la Sainte-Croix, et que chacun demandait des détails, selon le fonctionnement de l’esprit de chacun, se sont posées, entre autres, ces questions :
De quel bois était-elle faite ?
Où a-t-elle poussé ?
Dans quelle localité a bourgeonné cette plante qui, une fois mûre, devait devenir l’instrument de torture et le lit de mort grossier du Fils de Dieu, du Fils de l’Homme, et le moyen du salut du monde ?
L’arbre maudit !
L’arbre béni !
Non seulement ces questions ont été posées, mais chacune a reçu une réponse ! Nombreuses furent les traditions qui surgirent dans ce but, auxquelles on n’avait jamais pensé avant la grande découverte de Sainte-Hélène.
Seth prend une branche de l’arbre de la connaissance
La légende répandue de l’origine du bois que l’on retrouve en partie relatée dans l’évangile apocryphe de Nicodème (pas plus tard que le troisième siècle) et dans la Légende dorée est à cet effet : lorsqu’Adam tomba malade, il envoya son fils Seth aux portes du jardin d’Eden pour implorer Dieu de lui donner quelques gouttes de l’huile de miséricorde distillée de l’arbre de vie afin d’oindre sa tête. Seth trouva facilement le chemin du but, car aucune herbe n’avait poussé sur les empreintes d’Adam et Eve depuis leur expulsion. Alors que Seth priait à la porte, saint Michel lui apparut et lui dit : « Je suis envoyé vers toi par le Seigneur ; j’ai été désigné pour présider aux corps humains. Je te dis, Seth, de ne pas prier Dieu en pleurant et de ne pas l’implorer pour avoir l’huile de miséricorde avec laquelle oindre ton père Adam pour le mal de tête ; car tu ne pourras en aucune façon l’obtenir avant les derniers jours et les derniers temps, c’est-à-dire avant que cinq mille cinq cents ans se soient écoulés. »
Michaël lui donna cependant une branche de cet arbre, que, à la mort d’Adam, Seth planta sur sa tombe. Dans les années qui suivirent, l’arbre prospéra et atteignit un grand âge. Lorsque Balkis, la reine d’Abyssinie, se rendit chez Salomon, elle vénéra cet arbre, « car, dit-elle, c’est sur cet arbre que le Sauveur du monde sera pendu, et qu’à partir de ce moment-là le royaume des Juifs cessera ». En entendant cela, Salomon ordonna que l’arbre soit coupé et enterré dans un certain endroit de Jérusalem, où fut creusée la piscine de Bethzatha, et l’ange gardien de l’arbre mystérieux troublait les eaux de la piscine à certaines saisons, et ceux qui s’y plongeaient les premiers étaient guéris de leurs maux (voir Jean 5:1-9).
A l’approche du moment de la Passion du Sauveur, le bois flottait à la surface de la piscine, et c’est de ce bois qu’on fit la partie verticale de la Croix. La barre transversale était en cyprès, la pièce pour poser les pieds était en palmier, et l’inscription était écrite sur un morceau d’olive.
Plantation des graines pour le bois de la croix
Une autre forme courante de la même légende fait que l’archange Michel, qui refusa à Seth l’huile de miséricorde, lui donna trois graines de l’arbre de la connaissance pour les placer sous la langue d’Adam lorsqu’il serait enterré, lui promettant que de ces graines pousserait un arbre qui porterait des fruits grâce auxquels Adam serait sauvé et vivrait à nouveau. De ces trois graines naquit une trinité d’arbres de trois bois distincts, le cèdre, le cyprès et le pin, bien que réunis en un seul tronc. C’est de cet arbre que Moïse tailla son bâton. Il fut transplanté par David au bord d’un étang près de Jérusalem, et sous ses branches il composa ses psaumes.
Solomon le fit abattre pour former une colonne dans son Temple, mais étant trop court, il fut rejeté et jeté sur un ruisseau pour servir de pont. La reine de Saba, en visite chez Salomon, refusa de passer sur cet arbre, déclarant qu’il occasionnerait un jour la destruction des Hébreux. Le roi ordonna qu’il soit enlevé et enterré. Ce qui fut fait près de la piscine de Bethesda, les vertus du bois étant alors immédiatement communiquées aux eaux. Après la condamnation du Christ, on le trouva flottant à la surface de la piscine et les Juifs le prirent pour la poutre principale de la Croix.
Théories sur le bois de la Croix
L’idée dominante était que la Croix était formée de trois bois ou plus ; soit que les diverses parties étaient faites, chacune, de l’un des trois de cette trinité jaillissant d’une seule racine, soit, idée qui n’est pas constamment suivie, que les trois bois étaient amalgamés, formant un seul tronc, à partir duquel la poutre verticale était façonnée, contenant ainsi dans une seule poutre les qualités des trois plantes. Et encore, cette croissance particulière était produite à partir de trois graines contenant trois propriétés, bien que le fruit d’un seul et même arbre.
Il est curieux de voir comment les mêmes traditions vont traverser les âges, reprises ou ajoutées, jusqu’à ce que dans la dernière édition la forme la plus ancienne soit méconnaissable. Même Mandeville (XIVe siècle) devait avoir une foi très simple dans la tradition – à son époque très confuse – pour parler dans ses voyages d’un arbre qui se trouvait alors comme un pont sur le Kedron « dont la Croix a été faite. »
Le Vénérable Bede (vers 673-735) et John Cantacuzenus (vers 1292-1383) enregistrent tous deux l’idée que la Croix était composée de quatre sortes de bois : cyprès, cèdre, pin et buis.
Innocent dit que le montant était d’un bois, la poutre transversale d’un autre, le titre d’un troisième, et que les pieds étaient appuyés sur une marche saillante faite d’un quatrième bois.
En Angleterre, une notion existait que le bois était le gui, alors un arbre, mais que depuis la Crucifixion, il n’est plus qu’un parasite.
On disait que la feuille de tremble tremble parce que la Croix était de ce bois.
Dans certaines parties de l’Angleterre, le sureau est censé avoir été le bois de la Croix, et jusqu’à nos jours, certains paysans révérencieux regardent soigneusement leurs fagots avant de les brûler, de peur qu’il n’y ait de ce bois parmi eux.
Une autre idée commune est que la poutre principale de la Croix était en cèdre, la transversale en cyprès, l’inscription était sculptée sur un morceau d’olive, et le repose-pieds était en palmier.
Certaines personnes qui méditent sur le fabuleux combinent les bois du sapin et du buis dans la Sainte-Croix. Une vieille légende fait que la Croix était faite de « palme de la victoire », de « cèdre de l’incorruptibilité » et d' »olive pour l’onction royale et sacerdotale ». Et dans un verset latin, on nous dit :
Le pied de la Croix est le Cèdre, La Palme retient les mains, Le grand Cyprès soutient le corps, L’Olive dans la joie est inscrite.
Lipsius (m. 1606), le plus savant écrivain sur le sujet, pense que la Croix était probablement en chêne, un bois abondant en Palestine, facile à se procurer et solide. Les reliques qu’il avait vues lui semblaient être de ce bois.
Elle est prononcée comme ayant été de chêne par A. F. Angelo Rocca Camerte dans son livre De Particula ex Pretioso et Vivivico Ligno Sacratissimae Crucis (Rome, 1609), dans lequel il rend compte d’un fragment du Trésor apostolique. On suppose qu’il s’agit du même fragment pour lequel le pape Léon le Grand (vers 400-461) remercie Juvénal (mort en 458), évêque de Jérusalem, dans une de ses lettres, vers 450.
Curzon dit que toutes les très anciennes reliques de la Croix qu’il avait vues étaient du même bois, qui avait un aspect particulier, à moitié pétrifié. Il avait en sa possession deux reliques, dites de la Vraie Croix, la plus ancienne enfermée dans une châsse de la fin du XIIIe siècle ; l’autre, dans un cadre moderne, était d’un bois différent.
Voilà pour les opinions divisées concernant le bois de la Sainte-Croix, ce qui, après tout, avec la multiplicité des conjectures, laisse la question sans solution. Le folklore de l’Europe en fourmille ; certaines veines de légendes se trouvent traverser des pays où les mêmes traditions prédominent.
Les fragments que cet écrivain a vus sont d’une riche couleur d’ocre brûlé ; le grain, un peu plus clair, se détache quelque peu de la fibre en décomposition qui l’entoure, mais la substance de ces fragments est trop périmée pour qu’on puisse décider du genre de bois qu’ils étaient à l’origine.
Où le bois de la Croix a-t-il poussé ? Le roi David l’aurait transplanté du Liban à un endroit proche de Jérusalem. « A l’ouest de Jérusalem, il y a une belle église où poussait l’arbre de la Croix », dit Sir John Mandeville vers 1360.
Henry Maundrell (1665-1701), dans sa description d’un couvent grec qu’il a visité à environ une demi-heure de Jérusalem, dit : « Ce qui mérite le plus d’être noté dans le couvent, c’est la raison de son nom et de sa fondation. C’est que là se trouve la terre qui a nourri la racine, qui a porté l’arbre, qui a donné le bois, qui a fait la Croix. Sous le maître-autel, on vous montre un trou dans le sol où se trouvait la souche de l’arbre. »
À un ou deux milles à l’ouest de Jérusalem, dans une vallée parmi les collines, se trouve le monastère grec de la Sainte-Croix, qui est le couvent dont parlent ces deux voyageurs. Les fondations datent d’une période peu postérieure à la découverte par Sainte Hélène. Les bâtiments qui se dressent actuellement sont d’un grand âge.